samedi 17 janvier 2015

L'ambition et la paternité




Jean-Michel avait un peu trop chaud et la Ville de Grenoble savait en été faire de son sol gris un merveilleux écran à la chaleur du soleil.
Il était venu ici pour regarder la fin et la livraison de son dernier chantier. Dernier voulant bien dire ici le dernier car il venait de passer l'agence à Momo qui avait brillamment développé l'affaire depuis maintenant dix-huit mois. Jean-Michel n'était pas nostalgique ou triste, il était avant tout encore sous la responsabilité technique de la construction de ce Palais des Sports de Grenoble dont il avait calculé les appuis, les courbes, les épaisseurs. Il faisait encore, là, devant la construction, tourner dans sa tête la forme, les volumes, les forces. Il savait que ce bâtiment était un univers de tensions maintenues, un muscle crispé et figé dans son élan. C'était un corps vivant que le soleil puis le froid feraient vibrer un peu dans des sens contraires.
Il avait aimé travailler sous la direction des architectes Robert Demartini et Pierre Junillon, il avait aimé comment l'équipe avait su recevoir Momo et écouter malgré son jeune âge ses compétences. Jean-Michel savait que ce chantier était bien le bâton de relais entre lui et son fils adoptif. Il acheta une carte postale pour Jocelyne et Yasmina, il choisit celle sur laquelle on voyait bien le petit mais très beau pavillon d'accueil qui contenait les bureaux de vente des tickets.



Il aimait comment Momo avait réussi seul, sur ce petit bâtiment à faire le calcul du toit très léger qui contrastait merveilleusement avec la masse du Palais à l'arrière plan. Momo avait été laissé libre par les architectes d'inventer cette forme, de la dessiner.
Et alors qu'une masse puissante, ambitieuse et tendue de béton aurait pu faire sa fierté, Jean-Michel savait que c'était là, dans ce petit pavillon qu'il pouvait voir et saisir son héritage. Tout ce temps donné à aimer, tout ce temps donné à éduquer, tout ce temps à parler et corriger aussi. Momo était plus que son fils adoptif, il était maintenant son fils.




Bonjour Papa
Bonjour Maman
Comment ça va à la maison ?
Ici tout va bien, je vous envoie cette carte que j'ai trouvée ce matin au tourniquet, on voit bien l'appartement. Alvar grandit vite, il a dit Babar hier. On sera chez vous demain. Gilles viendra aussi avec Hans ?
La bise de Momo, Sidonie et Alvar.
Ps : les deux soleils sont des taches de bouillie de Alvar... Désolé...

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