samedi 28 décembre 2013

Nova Paraiso





Philippe Langlois m'offre il y a peu, une petite pochette un rien étrange au titre très bossa nova :
Nova Paraiso.
Cette pochette contient six cartes postales et immédiatement, Philippe s'excuse auprès de moi en me disant qu'il en avait déjà envoyé quelques-unes... qui resteront donc manquantes à ma collection. Ce n'est pas grave Philippe, les cartes postales sont bien faites pour cela : être envoyées !
On devine assez rapidement pour quelqu'un qui manipule souvent des cartes postales que celles-ci sont des collages dont d'ailleurs il semble bien que ledit collage soit laissé apparent sans grand effort pour le camoufler comme pour inviter celui qui reçoit à entrer dans le jeu. La qualité des photographies évoque aussi immédiatement un temps un rien lointain, une nostalgie des images récupérées, un peu passées. On est dans la construction totale, et affichée, d'une imagerie.
On reconnaît aussi certains types d'immeubles d'une modernité un peu brutale, celle des grandes barres et grandes tours poussées un peu vite partout dans le monde, celles en général des pays en voie de développement et qui laissent l'architecture derrière le profit...
Rien de bien intéressant en termes architecturaux à se mettre sous la dent, rien d'autre qu'une idée de ce que serait la mégapole généralisée, l'image d'une Futuropolis un peu ensoleillé.
Car le ciel, la mer, les couleurs même de l'ensemble racontent aussi une Amérique Latine que le titre Nova Paraiso ne cache pas ! Il est d'ailleurs jubilatoire de voir comment la culture de l'œil y retrouve en quelque sorte ses petits en plaquant grâce au choix de la typo et des images immédiatement une ambiance reconnue.
Mais qu'est-ce donc que cet objet éditorial qui reste mystérieux, qui ne propose aucune explication, aucune piste à part le nom de l'artiste Julia Rometti, la date 2006, et quelques logotypes officiels d'agences culturelles ?
Évidemment ! Suis-je bête ! Pour être aussi muet au partage, c'est bien que nous sommes dans de l'art contemporain ! Il faut sans doute laisser au spectateur le droit de construire son tableau tout seul et ne pas lui imposer une explication qui serait par trop... didactique et scolaire j'imagine !
Pourtant me direz-vous, (oui vous me le dites) l'ensemble par sa plasticité même serait d'une transparence telle que certainement, les mangeurs d'images que nous sommes n'aurions pas besoin d'explication ni sur les lieux ainsi recomposés, ni sur les auteurs, les éditeurs, les photographes des images ainsi utilisées qui sont pourtant le fonds iconographique de l'artiste Julia Rometti. On prend, on coupe, on aime sans vergogne.
Alors ?
Alors ne nous reste pour aimer et comprendre que deux choix. Faire semblant de rester vierge à toute explication en jubilant (ou pas d'ailleurs) des images proposées soit mener une enquête pour trouver les sens de ce travail artistique (s'il s'agit d'un travail car après tout rien ne l'indique)... à part... et oui... la signature de l'artiste dont l'artiste n'ose pas se défaire...
Je jouerai donc le jeu de la virginité. (Pour une fois).
Parce que d'abord je les aime bien ces images, ces cartes postales. Leur douceur de ton, leur manque d'habileté dans les collages un rien naïfs, laissent une sensation délicate d'une saudade urbaine.
On regrettera de ne pas savoir si cette sensation est une position critique, une atmosphère d'imagier, un regard argumenté. Mais, après tout, n'ayant pas la totalité des images, sans doute que celles expédiées par Philippe Langlois auraient pu nous orienter autrement, sans rien nous faire perdre d'une forme poétique.
On pourrait facilement y voir une attaque de ce type de paysage partout identique que la masse touristique justifie et que la carte postale dans son cliché éditorial diffuse... C'est sans doute un travail politique... sur l'image, la ville et l'insupportable urbanisation d'un monde par le néo-colonialisme du tourisme... Oui, sans doute. Et cela doit faire trembler le monde. Allez lire là.
Mais c'est d'abord reconnaître à la carte postale dans sa masse productive un vrai beau rôle d'inventeur de lieu. C'est oublier les photographes qui cadrent et donc construisent, c'est se faire prendre au jeu de la jubilation plastique qui est une fascination bien naturelle. Et ces villes monstrueuses, ces paysages bouleversés à jamais, enlaidis par une architecture de promoteur sont aussi un Monde. Un Monde que les cartes postales montrent, dénoncent, nourrissent aussi. J'aime ce Monde. Même, voyez-vous s'il n'est que d'images. Et je n'ai besoin de personne pour en comprendre son revers.
Nous reste à remercier Philippe Langlois pour ce voyage.











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